L’Agaricus blazei (Himematsutake au japon) est l’un des champignons les plus récemment étudiés pour ses propriétés médicinales. Ce délicieux champignon comestible est originaire d'une très petite zone des montagnes du Brésil, près de la ville de Sao Paulo. Des épidémiologistes auraient étudié la population indigène dans cette région et auraient constaté qu'elle connaitrait une très faible incidence d'une variété de maladies virales et bactériologiques, y compris les cancers, avec une longévité anormalement élevée. Finalement, ils auraient constaté que cela correspondrait à la consommation constante d’agaricus blazei dans leur régime alimentaire. Durant les années 1980 et 1990, des recherches montrèrent que l’agaricus blazei est un puissant stimulant du système immunitaire. Les propriétés immunostimulantes et antitumorales des extraits d’Agaricus blazei furent étudiées dans des modèles de laboratoire différents, notamment sur le sarcome-180 et le fibrosarcome. Il fut établi que les parties aériennes, mais aussi le mycélium de ce champignon sont une source de polysaccharides antitumoraux.
Des études ont démontré des activités anticancéreuses de l’agaricus blazei par l'induction de l'apoptose provoquée par l'activation de la caspase-3 dans les cellules cancéreuses de la prostate, et l'inhibition de l’activité de NF-kB dans les cellules leucémiques (Apoptose = mort cellulaire naturelle programmée - La capase-3 est une protéine qui intervient dans les processus de l’apoptose notamment des cellules anormales - Le NF-kB est un facteur de transcription nucléaire agissant directement sur le génome ; Il est prépondérant dans la survie des cellules en s’opposant à l’apoptose). En temps normal le NF-kB est inhibé dans les cellules quiescentes. Il est aussi connu comme un acteur central de la réponse inflammatoire aux agressions microbiennes et virales. De nombreuses tumeurs ont besoin d’une expression constante du NF-kB pour se développer et envahir les tissus voisins. En outre, il envoie en permanence des signaux de survie au programme de suicide des cellules anormales interdisant leur disparition par apoptose. On mesure donc toute l’importance des propriétés antitumorales des polysaccharides d’agaricus blazei capables de neutraliser des facteurs de croissance indispensables au développement d’un grand nombre de cancers.
En 2008, une synthèse des publications relatives à l’agaricus blazei est publiée dans le « Scandinavian Joural of immunology » (1). Les auteurs concluent que ce champignon semble activer la branche du système immunitaire qui provoque à la fois des effets contre les infections et les tumeurs, au moins dans les modèles de souris, mais sans doute aussi chez les humains. Cependant, il y a une énorme différence dans l'ampleur des effets biologiques entre les différents extraits d’agaricus blazei probablement en raison des méthodes de culture, de la source et de la préparation des extraits. D’autres recherches effectuées en 2009 démontrent que les polysaccharides d’agaricus blazei ont des propriétés anti-métastatiques par inhibition de la MMP-9 (Matrix-Métaloprotéinase-9) dans les cellules de mélanome (Les protéines de la Matrix- Métaloprotéinase-9 sont impliquées dans la dégradation de la matrice extracellulaire permettant aux cellules cancéreuses qui se sont détachées de la tumeur primitive de se fixer dans un autre organe).
En 2009 des chercheurs de l’institut de médecine de Qiqihar en Chine, tentent de comprendre l'effet anti-métastatique et les mécanismes sous-jacents d'un polysaccharide de poids moléculaire faible isolé d’agaricus blazéi, le LMPAB (2). Des cellules hépatiques cancéreuses BEL-7402 sont utilisées in vitro puis in vivo ainsi qu'un modèle de souris B-16 connu pour produire rapidement des mélanomes. Un modèle de doubles greffes tumorales SW180 est également utilisé. In vitro, les chercheurs constatent que le LMPAB réduit considérablement l'invasion des cellules BEL-7402. In vivo, le LMPAB montre qu’il réduit les foyers de métastases de mélanomes dans les poumons des souris B16. Dans le modèle de tumeur SW180, le traitement intratumorale avec du LMPAB inhibe la croissance de la tumeur sur le côté ayant reçu la greffe, mais supprime également la régression des tumeurs métastatiques dans les autres organes. En outre le LMPAB réduit l’expression des protéines de la matrix métalloprotéinase-9, mais augmente le nm23-H1 (Le nm23-H1 est un antioncogène inhibiteur de métastases tumorales initialement identifiés dans des cellules de mélanomes – la répression de ce gène favorise les métastases, sa surexpression fait l’inverse).
Ce champignon va alors connaitre une période faste avec une succession d’études très intéressantes dont voici une liste non exhaustive :
- En septembre 2009 un rapport de l'Université de Daejeon en Corée paru dans « Journal of Acupuncture and Meridian Studies » (3) précise qu’une expérience a été menée pour évaluer les effets sur les splénocites et l’'inhibition des métastases pulmonaires avec un mélange de champignons comprenant Armillaria mellea, Grifola frondosa, Garnoderma frondosa, Codyceps militaris, Hericium erinaceus, Coriolus versicolor, Agaricus Blazei avec du Lycium Chinense Miller (connu sous le nom de M8). Le Lycium chinense (ou lyciet de Chine ou épine du Christ), est un arbuste de la famille des Solanacées (comme la tomate), répandu sur le pourtour de la Méditerranée et en l'Asie orientale. Il est exporté sous le nom commercial de baie de goji pour ses vertus médicinales contre l’asthme, la toux et l’amélioration du Qi. (Les splénocites sont des cellules sanguines trouvées dans le tissu splénique qui évolue vers l’un des types de globules blancs présents dans le sang après leur sortie de la rate). Les chercheurs constatent que l'administration orale de M8 entraîne une tendance dose-dépendante à inhiber les métastases pulmonaires après injection intraveineuse de cellules cancéreuses dénommées colon26-L5. Ce traitement par M8 entraîne également une augmentation significative des lymphocytes T des basophiles et de la population des lymphocytes CD3, CD19, CD4, CD8, ainsi qu’une hausse de la production de l’interféron-gamma et de l’interleukine-4 par les splénocytes.
- En juillet 2010, la faculté de médecine de Fujita au Japon publie dans le « Biochimica et Biophysica Acta » un rapport précisant qu’une fraction purifiée d’agaricus blazéi contenant notamment de l’algatine inhibe la prolifération des lignées cellulaires leucémiques U937, MOLT4, HL60 et K562 avec des doses de 2,7, 9,4, 13,0, et 16,0 microg/mL, mais ne montre aucun effet significatif sur les cellules normales lymphatiques à des concentrations jusqu'à 40 microg/mL. Afin de vérifier l’innocuité de l’agaritine, celle-ci est administrée à une culture de Salmonella connue pour contenir un gène (umu) particulièrement sensible aux agents cancérigènes. Les chercheurs constatent alors que le gène n’est pas activé. Les résultats montrent aussi que d'une part, l’activité de l’algaritine n'est pas mutagène, et d'autre part, qu'elle est distincte de celle du bêta-glucane qui supprime indirectement la prolifération des cellules tumorales par la stimulation immunitaire (4).
- En décembre 2010, dans une étude effectuée à l’université d’Indianapolis (5), des chercheurs montrent qu’un mélange de champignons dénommé mycophyto-complex (MC), inhibe in vitro le potentiel invasif du redoutable carcinome mammaire MDA-MB-231 connu pour produire rapidement des métastases. Le mélange est un assortiment de mycélium des espèces Agaricus blazei, Cordyceps sinensis, Coriolus versicolor, Ganoderma lucidum, frondosa Grifola et umbellatus Polyporus, et du bêta-1,3-glucane isolé de la levure Saccharomyces cerevisiae. L’expérimentation montre que le MC produit des effets cytostatiques par l'inhibition de la prolifération cellulaire et l'arrêt du cycle cellulaire à la phase G2 (Le cycle cellulaire est l'ensemble des phases par lesquelles une cellule passe entre deux divisions successives - la phase G2 qui succède à la réplication de l'ADN est une période de croissance et de préparation à la mitose finale). L’analyse des micromatrices d’'ADN révèle que le mycophyto-complexe inhibe l'expression des gènes de régulation du cycle cellulaire (Les micromatrices d'ADN ou puces ADN sont des supports souvent en verre recevant des molécules d'ADN permettant d'analyser leur niveau d'expression par rapport à un échantillon de référence). Par ailleurs, le MC supprime également le comportement métastatique des cellules MDA-MB-231 par l'inhibition de l'adhésion cellulaire, la migration cellulaire et l'invasion des cellules. L'inhibition de l’activité du MC en ce qui concerne le caractère invasif des cellules cancéreuses du sein MDA-MB-231, est liée à la suppression de la sécrétion de l'activateur du plasminogène urokinase (Upa) (aussi appelé urokinase issue des cellules tumorales et impliquée à la fois dans la prolifération par interaction avec les voies de signalisation des facteurs de croissance, l’angiogénèse, la motilité cellulaire, et la dégradation de la matrice extracellulaire favorisant les métastases).
- En décembre 2010 une étude effectuée à l'Université nationale de Kangwon de Corée (6) parue dans l’«international journal of oncology », montre que l’agaricus blazei Murill augmente l'apoptose des cellules de carcinome hépatocellulaire (cancer du foie primitif) induit par un médicament de chimiothérapie, la doxorubicine.
- En janvier 2011, une étude parue dans « Scandinavian Journal of Immunology » effectuée à Hôpital universitaire d'Oslo montre qu’un extrait d’immunomodulateurs dénommé AndoSan-TM provenant d’agaricus blazei produit d'intéressants effets anti-inflammatoires chez des patients atteints de colite ulcéreuse chronique et la maladie de Crohn (7). Une solution à explorer pour les patients atteints par ces maladies qui peuvent dégénérer en cancer.
- En février 2011, dans une étude effectuée à l’Université de Taixwan (8) publiée dans le journal « in vivo » le rôle d’agaricus blazéi est évalué en ce qui concerne la croissance tumorale et des métastases avec une lignée de cellules d'hépatome Smmu-7721 implantées chez des murins atteints d’un sévère déficit immunitaire combiné (souris SCID) (hépatome = cancer primitif du foie). Cette étude s’intéresse également au comportement in vivo des cellules de mélanome B16F10 inoculées à des souris C57BL/6 recevant différentes doses d’extraits d’agaricus blazei (mélanome = cancer de la peau se développant aux dépens des mélanocytes - C57BL/6 = souris communes utilisées dans les laboratoires). En comparaison avec le groupe de contrôle, il est constaté que la masse tumorale augmente plus lentement avec le traitement d’extrait d’agaricus blazéi, en particulier avec des doses élevées. Pour le modèle de métastase de tumeurs, après un traitement de six semaines, le taux de survie des souris C57BL/6 étaient de 0%, 30%, 10% et 50% comparativement au groupe témoin par rapport aux doses prescrites. Le taux de survie montre que le prétraitement des souris C57BL/6 avec des polysaccharides d’agaricus blazei allonge leur durée de vie après l'inoculation de cellules tumorales, ce qui soutient l'idée que les polysaccharides d’agaricu blazei réduisent la formation de métastases pulmonaires du redoutable mélanome B16F10.
- En mars 2011, une étude effectuée à l’Université de Fujita du Japon (9) publiée dans la revue « Biochimica et Biophysica Acta » démontre que l’algaritine présente dans algaricus blazéi induit l’apoptose dans une lignée de cellule leucémique U937 via l’activation des capases et la libération du citochrome-C par la voie mitochondriale.
- En mai 2011, une étude de l’Université de Taiwan (10) effectuée avec la collaboration de l’American Chemical Society, publiée dans le journal « agricultural and food chemistry », précise comment un produit fermenté d’agaricus blazéi induit l’apoptose des cellules du cancer du foie He-3B par la voie des capases dépendantes et indépendantes.
Ce champignon serait-il donc la panacée du traitement adjuvant des cancers ? Malheureusement, des études récentes ont révélés qu’il contient à des doses plus ou moins importantes, de l’algaritine ayant des propriétés cancérigènes. Ces études sont signalées dans le chapitre sur la tolérance et la toxicité des champignons médicinaux.
sources :
1) A low molecular weight polysaccharide isolated from Agaricus blazei Murill (LMPAB) exhibits its anti-metastatic effect by down-reulating metalloproteinase-9 and up-regulating Nm23-H1. Am J Chin Med 37: Niu YC, Liu JC, Zhao XM and Cao
2). A low molecular weight polysaccharide isolated from Agaricus blazei Murill (LMPAB) exhibits its anti-metastatic effect by down-regulating metalloproteinase-9 and up-regulating Nm23-H1 - Niu YC, Liu JC, Zhao XM, Cao J.
3) Antimetastatic and immunomodulating effect of water extracts from various mushrooms - Han SS, Cho CK, Lee YW, Yoo HS
4) Agaritine purified from Agaricus blazei Murrill exerts anti-tumor activity against leukemic cells - Masahiro Endo, Hidehiko Beppu, Hidehiko Akiyama, Kazumasa Wakamatsu, Shosuke Ito, Yasuko Kawamoto, Kan Shimpo, Toshimitu Sumiya, Takaaki Koike and Taei Matsui
5) Novel medicinal mushroom blend suppresses growth and invasiveness of human breast cancer cells - JIAHUA JIANG and DANIEL SLIVA
6) Agaricus blazei Murill enhances doxorubicin-induced apoptosis in human hepatocellular carcinoma cells by NFκB-mediated increase of intracellular doxorubicin accumulation. - Lee JS, Hong EK
7) Effect of an extract based on the medicinal mushroom Agaricus blazei Murill on expression of cytokines and calprotectin in patients with ulcerative colitis and Crohn's disease. Forland DT, Johnson E, Saetre L, Lyberg T, Lygren I, Hetland G.
8 ) Possible Reduction of Hepatoma Formation by Smmu 7721 Cells in SCID Mice and Metastasis Formation by B16F10 Melanoma Cells in C57BL/6 Mice by Agaricus blazei Murill Extract - Wu MF, Lu HF, Hsu YM, Tang MC, Chen HC, Lee CS, Yang YY, Yeh MY, Chung HK, Huang YP, Wu CC, Chung JG
9) Agaritine from Agaricus blazei Murrill induces apoptosis in the leukemic cell line U937 - Akiyama H, Endo M, Matsui T, Katsuda I, Emi N, Kawamoto Y, Koike T, Beppu H
10) Blazeispirol A from Agaricus blazei Fermentation Product Induces Cell Death in Human Hepatoma Hep 3B Cells through Caspase-Dependent and Caspase-Independent Pathways. - Su ZY, Tung YC, Hwang LS, Sheen LY